CHAINE ALARABETV
De l’Afrique du Nord au monde sahélien, l’espace apparaît comme découpé en bandes nord-sud. L’histoire de la région s’est écrite le long de ces grands axes dans des phénomènes de longue durée qui constituent l’arrière-plan des actuelles crises régionales. En effet, le Sahara ne fut jamais une barrière, ses deux rives étant directement reliées par deux grands espaces de contact à savoir l’axe Maroc-Sahel occidental (Fès-Tombouctou), et l’axe Libye-Tchad (Tripoli-Abéché et Tripoli-Zinder-Kano), selon une chronique de Bernard Lugan , reproduite par le site 360.
Dans la partie nord-ouest de l’Afrique, les relations à travers le Sahara étaient traditionnellement axées sur le Maroc en raison de la profondeur historique et de la permanence de cet Etat. De fait, et nous l’avons déjà vu dans une précédente chronique, les liens entre le Maroc et l’Afrique sud saharienne remontent à la dynastie des Almoravides, qui, au XIe siècle, créèrent le Grand Maroc, lequel s’étendait du fleuve Sénégal jusqu’au centre de l’Espagne. Plus tard, sous la dynastie des Saadiens (1554-1650), le Maroc domina toute la région, boucle du Niger incluse.
Il est important de noter que l’axe central reliant Tombouctou à la Méditerranée fut irrégulièrement utilisé par les caravanes en raison de la présence des Touareg qui les rançonnaient. Les relations entre Tombouctou et le Maroc passaient donc de préférence plus à l’ouest, par Taoudeni, afin d’éviter le bloc touareg s’étendant du Hoggar aux Iforas. Sur cet axe, l’itinéraire le plus commode courait le long de la côte du Sahara marocain. Ici, sur quelques kilomètres vers l’intérieur, nous ne sommes en effet pas en présence d’un vrai désert car existent des cuvettes naturelles, les «grara», qui reçoivent un minimum d’humidité marine, offrant donc à longueur d’année un minimum de pâturages.
Avant les partages coloniaux, l’influence marocaine se manifestait dans toute la région s’étendant de Tanger à la vallée du fleuve Sénégal par la circulation d’une monnaie unique et par un même système de poids et de mesures. Economiquement, ces immensités étaient alors tournées vers le Maroc avec lequel elles constituaient un même monde tourné vers les marchés de Sijilmassa et de Marrakech au nord et ceux de la vallée du fleuve Sénégal et de la région de Tombouctou au sud.
Dans toute la région, la religion a encore renforcé le poids du Maroc. N’oublions pas que durant des décennies, à Gao et à Tombouctou, la prière du vendredi était dite au nom du sultan du Maroc. De plus, l’islamisation ouest sahélienne, du Sénégal au Niger, s’est faite depuis le Maroc et le long des axes du commerce qui viennent d’être mis en évidence. Cette islamisation s’est lentement développée, d’une part à travers les marabouts, spécialistes de l’enseignement et de la diffusion de l’islam, figures charismatiques porteuses de la baraka (bénédiction divine) et d’autre part à travers des soufis, érudits adeptes de la méditation et des pratiques mystiques (tassawuf).
Quant à la confrérie Tijani, la Tarika Tijania, qui rayonne sur tout le Sahel occidental, elle a ses racines à Fès où est enterré Ahmad Tijani, mort dans la ville le 19 septembre 1815. Dès ses origines, cette confrérie s’est mise sous la protection de la dynastie alaouite. Fès forme ainsi un pôle religieux essentiel pour des millions de Sénégalais et de Maliens pour lesquels le pèlerinage au mausolée du fondateur est au moins aussi important que celui de La Mecque.
Aujourd’hui, les liens religieux entre le Maroc et la région sont illustrés par la grande mosquée de Dakar construite par le Maroc, ainsi que par le programme de formation des imams maliens et guinéens. Le Maroc participe également à la rénovation de plusieurs dizaines de mosquées dans toute la région sahélo-soudanienne. Sans oublier naturellement que le roi du Maroc est Commandeur des Croyants, statut qui lui est reconnu bien au-delà des frontières du Maroc.
L’histoire explique donc pourquoi le Maroc, vecteur d’un islam enraciné dans les traditions locales, est un pôle de stabilité et un modèle face aux intrusions du jihadisme terroriste. Au point de vue sécuritaire, le jusqu’au-boutisme des dirigeants algériens au sujet du Sahara marocain interdit une politique régionale commune. D’où des conséquences sur l’ensemble du Sahel où les GAT (Groupes armés terroristes), dont certains issus du Polisario, s’engouffrent dans cette faille.
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